Hommage à Albert Ducrocq (1921 - 2001) Mardi 23 octobre 2001, maître de la vulgarisation scientifique, Albert Ducrocq a rejoint les étoiles, jour où Mars Odyssey allait réussir sa mise en orbite martienne et où aussi, Claudie Haigneré, une de ses "fans", s'apprêtait à entrer dans l'ISS. Homme extraordinaire, il a su imposer sa vision du monde scientifique auprès d'un public très vaste et très nombreux, notamment parmi la jeunesse qu'il a toujours encouragée, sa grande modestie et sa grande gentillesse. Des personnages illustres du monde scientifique lui sont redevables de ce qu'ils sont devenus. J'en parle en connaissance de cause ayant eu le privilège de le côtoyer au sein du COSMOS CLUB de FRANCE qu'il a fondé en 1963 et co-fondé en même temps le très célèbre hebdomadaire aéronautique: AIR & COSMOS, le seul en langue française. Né le 9 juillet 1921 à
Versailles, il mena en parallèle des études littéraires (licence de lettres) et scientifiques. C'est à la fin de la seconde guerre mondiale qu'il embrassa la
carrière de chroniqueur scientifique. De formation scientifique (thèse en
physique, auprès de Louis de Broglie, en mathématiques et diplômé en électronique) il eut l'occasion de connaître un spécialiste
allemand du célèbre V2, qui était chez ses parents. Connaissant la langue
allemande, il servit d'interprète. C'est ainsi qu'il pu écrire son premier
livre : LES ARMES SECRETES ALLEMANDES, édité chez Berger-Levrault en
1947. Se sentant une âme de vulgarisateur et grâce à ses connaissances de
l'arme atomique, ayant travaillé dès la fin de la guerre sur ce qui deviendra
plus tard la bombe A française, il publia 4 livres sur le sujet: Considéré trop souvent comme simple
journaliste, ce grand communicateur fut bien plus que cela. On le retrouve:
Son titre d'ingénieur électronicien lui permit de devenir un pionnier de la cybernétique, grâce, entre autres, à son très célèbre "renard" qui défraya la chronique en 1947. De longs articles furent consacrés à cet exploit et notamment dans Sciences et Avenir. Ce "renard électronique" était déjà capable de mémoriser son parcours grâce à sa mémoire intégrative. N'oublions pas que les transistors n'existaient pas et que toute l'électronique était à tubes. A cette époque, il apparaissait déjà comme un bâtisseur du monde de demain. Il nous permettait de comprendre que la mutation intellectuelle de l'homme remplaçait sa mutation biologique. Selon le Figaro, il confia qu'il avait exposé en 1952, au côté de Salvador Dali et avec Louis Couffignal, une «machine à écriture automatique» capable de produire des poèmes à partir de quelques mots: Calliope. En 1957, il collabore à l' EXPRESS. Maurice Siegel, patron de la jeune station de radio, EUROPE 1, fit alors appel à lui pour commenter l'actualité scientifique. C'est à la même époque que, se trouvant invité à Moscou en tant que président de la Fédération Française d'Automation, il entendit parler de satellite artificiel. De retour en France, il pu en parler en connaissance de cause sur les ondes, le 4 octobre 1957, lorsque les Russes lancèrent Spoutnik 1. C'est ainsi qu'il devint célèbre du jour au lendemain. A partir de cette date, il devint la personnalité scientifique la plus écoutée de France. En 1960, il fit une émission intitulée: LE MONDE EST FANTASTIQUE, qui fut diffusée sur les ondes d'EUROPE 1, chaque dimanche soir pendant 2 ans. Ce fut un succès. L'espace devenait passionnant. Il nous fit, par exemple, participer en direct au premier message envoyé par Drake vers les éventuels extraterrestre dans le cadre de ce qui allait devenir plus tard le programme SETI, dont il fut le président pour la France. Il était devenu le Monsieur Espace. Ses conférences sont restées mémorables. Sans aucune note, il pouvait parler pendant des heures. Ses paroles étaient bues avec avidité. Grâce à lui, l'auditeur devenait intelligent, il comprenait tout. Sa voix, si caractéristique, était le reflet de son exaltation, de sa passion. Il n'avait pas besoin de sonorisation et ses intonations étaient spectaculaires. La plus célèbre fut lorsqu' Armstrong et Aldrin se posèrent sur la Lune le 20 juillet 1969 à 21h heure française. Cela se passa dans les studios d'Europe1. Une panne d'électricité venait de se produire nous empêchant de voir l'atterrissage en direct. Il quitta le studio en courant pour se réfugier dans un autre où il y avait de l'électricité. Son exaltation fut amplifiée par la crainte de ne pouvoir assister à l'événement. Il était reconnu de tous les scientifiques. Je me souviens de 2 anecdotes significatives de ses connaissances. La première, dans un hémicycle plein à craquer, une question fut posée au très célèbre Audouin Dollfus. Ce dernier préféra laisser la parole à Albert Ducrocq. Une autre fois, André Brahic lui laissa la parole, car il ne connaissait pas la réponse.
Une autre fait remarquable met en lumière sa renommée internationale: ils furent, avec le général De Gaulle, les seuls à avoir été invités à Cap Canaveral et à Baïkonour, en pleine guerre froide. Grâce à lui, nous autres, passionnés, membre du Cosmos Club de France et de la Société Astronomique de France avons pu côtoyer les plus grands et notamment tous les astronautes qui ont marché sur la Lune. J'ai pu aussi, grâce à lui parler à Claudie Haigneré (née André-Deshays) lors de son retour de Mir en 1996. Au sein du Cosmos Club de France, comme au sein de la Mars Society, il a su dynamiser et enthousiasmer les jeunes qui ont cru en lui. Certains sont célèbres et occupent des postes importants dans le milieu aéronautique et spatial. Il a participé à de nombreuses chroniques à Sciences et Avenir, Air & Cosmos, le Figaro, Espace et Civilisation. Il a été aussi ingénieur conseil pour de nombreuses sociétés. Sa fougue le fit écrire des articles, jusqu'à ses derniers jours. Je me souviens, qu'il y a quelques années, il a failli perdre la vue. Malgré cela, il continuait à donner des conférences. Le plus étonnant restera pour moi qu'en 1996, lorsque je lui ai demandé pourquoi il n'avait jamais fait de reportage au KSG (Kennedy Space Center) à Cap Canaveral ou bien à Kourou, il m'apprit que l'avion ne le rassurait pas. Il fut l'auteur scientifique français, le plus traduit. Voici la liste de la plupart de ses livres (si vous en connaissez d'autres, faîtes-le moi savoir): Les armes secrètes allemandes:
Berger-Levrault, 1947 Albert Ducrocq fut nommé Chevalier de la Légion d'honneur et des Palmes académiques. Au nom de tous: merci pour avoir su nous expliquer et nous faire partager la richesse du cosmos. Au revoir, Monsieur Ducrocq.
A sa famille, j'adresse mes plus sincères condoléances. |
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