
Korolev
L'homme sans nom
(1ère partie)
Sergei
Pavlovich Korolev, père de la conquête spatiale soviétique, a eu un rôle
important dans la course aux armements. Longtemps demeuré inconnu, ce qui lui
valut le surnom de l'homme sans nom, il ne fut célèbre qu'après sa mort. A
cause du secret qui régnait dans l'industrie spatiale, la contribution de
Korolev au programme spatial ne fut reconnu par les autorités qu'après sa
mort. Pendant plusieurs décennies, la personnalité de Korolev fut déformée
par la presse officielle soviétique. Ce n'est qu'en 1994 que Yaroslav
Golovanov, un journaliste et historien russe, publia pour la première fois une
biographie de Korolev non censurée.
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suite. Essayez avec
korolev.
2ème
partie

Gagarine et Korolev
http://www.gctc.ru/gagarin/live/live/korolev.jpg
Extraite
du site russe d'entraînement
des cosmonautes: http://gctc.ru/
Site en
anglais: http://gctc.ru/eng/index.html
-
La
technologie de l'Homme sans nom.
En
1995, Aerojet, entreprise américaine dans le domaine aérospatial, testait
son moteur fusée le plus prometteur, un engin à propergol liquide conçu
pour envoyer un cosmonaute soviétique sur la Lune, avant Neil Armstrong.
Cette technologie avait donc plus de 30 ans et restait cependant la
plus fiable au monde. Cet exceptionnel moteur AJ26NK33 a ainsi démontré
une longévité nettement supérieure à celle des moteurs principaux des
Navettes américaines. Ces tests ont permis aux ex-rivaux de la Guerre
Froide, de travailler ensemble. Tous se félicitaient de cette excellente
coopération et se préparaient à des missions communes. Savaient-ils que
la technologie qu'ils utilisaient, avait été élaborée par un homme sans
nom, pour la course à la Lune ?
-
Sa
vie
Si le rêve du voyage dans l'espace devint une réalité, ce fut grâce aux travaux de Sergei Pavlovitch Korolev, père du programme
spatial soviétique.
Il est né le 30 Décembre
1906 ( 12 janvier 1907 dans le calendrier Grégorien, en vigueur en
Russie) à Zhitomir
Ukraine. Son père et sa mère se sont séparés en 1916, alors qu'il
n'avait que 3 ans. En 1917, lors de la révolution bolchevique, sa famille
se déplaça à Odessa, le grand port d'Ukraine. C'était un garçon
solitaire. Il a d'abord suivi un enseignement dans sa ville natale, puis
il est entré à l'Institut Polytechnique de Kiev où il a fait ses
études universitaires et suivit une formation d'ingénierie aéronautique.
Sa famille a ensuite déménagé pour Moscou en 1926, il avait alors 19
ans. Il y a suivi des cours à l'école technique supérieure, l'Institut
Bauman où il reçut sa licence de pilote en 1930. Il a eu d'excellents
professeurs notamment Andréï Tupolev qui allait marquer sa carrière. Il
y lut des ouvrages de Tsiolkovski et Tsander, ce qui l'orienta vers la
conquête de l'espace par l'homme.
Andréï Tupolev était alors sur le point d'hériter du surnom de Grand
Patriarche de la conception aéronautique soviétique. Son génie
s'épanouit à l'Institut central d'aérohydrodynamique plus connu sous le
sigle TSaGI.
Très vite il repéra le talent de Korolev et le mit au travail. Le jeune
homme fit la preuve de ses capacités en aidant à construire des avions
d'une grande importance symbolique. Ces appareils vont en effet battre des
records de vol jusqu'à New York et Berlin et devenir les précurseurs
d'une aviation soviétique en plein essor. Tout en travaillant sur ses
projets, Korolev reçut l'enseignement d'un homme qui allait métamorphoser
sa vie.
Tsiolkovski
Konstantin
Eduardovich
Tsiolkovski
est né en 1857 et il écrivit beaucoup sur l'astronautique naissante.
Il vivait seul dans la petite ville de Kalouga, à quelques centaines de km
de Moscou, mais rêvait que le vol spatial deviendrait un jour une réalité. Il
avait des idées pour des moteurs fusées, des satellites, des stations
spatiales, pour les voyages interplanétaires et pour des concepts
technologiques extrêmement sophistiqués comme la propulsion électrique. Tsiolkovski
laissa un héritage impressionnant sur la propulsion à
réaction. Bien qu'il n'ait jamais construit de fusées, ces nombreux essais
et livres montrèrent la voie qui mena vers la réussite spatiale. Tsiolkovski
a passé une grande partie de sa vie comme un professeur de
mathématiques inconnu, dans les provinces russes, où il effectua quelques
études pilotes sur la conception de fusées chimiques à carburant liquide
et il recommanda la propulsion avec de l'hydrogène et de l'oxygène
liquide. Dans les années 20,
Tsiolkovski mit en formule la technique de mise en oeuvre des véhicules
spatiaux pour les libérer de la pesanteur terrestre. Des sociétés de
fabrication de fusées furent organisées dès 1924 en Union soviétique,
mais les distances et la politique limitèrent les échanges entre les
différents groupes et leurs contreparties occidentales.
Tsiolkovski écrivit: "la Terre est le berceau de l'Humanité, mais un
Homme ne peut pas rester indéfiniment dans son berceau". Au
début des années 30, des amateurs enthousiastes planchent sur les moyens
techniques nécessaires
à un vol spatial. L'un d'eux se distingue, il se
nomme Frédéric Tsander. Il est à noter
que Tsiolkovski et Tsander développèrent les premières idées sur la
propulsion solaire, développée par la NASA durant les années 70. Collègue de Korolev,
Tsander visionnaire fonde la 1ère
société spatiale. Les 2 hommes s'intéressaient de près aux expériences que
Robert Goddart (fig de droite) développa dans un champ près de la ferme de sa tante
Effie, où le bruit strident perturbe les animaux du voisinage. Quelques années plus tôt, l'américain a fait voler
pendant 2,5
s, le
16 mars 1926, la
première fusée à propergols liquides. Elle n'est pas allée bien
loin (14 m en hauteur et 61 m plus
loin),
mais cet événement est à marquer d'une pierre blanche dans l'évolution
de l'astronautique. http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/SP-4406/4406-013.jpg
-
Début
de l'aéronautique
Korolev et Tsander co-fondèrent le GIRD
(Gruppa Isutcheniya Reaktivnovo
Dvisheniya, groupe d'expérimentation pour le vol à réaction) en 1931
et commencèrent les recherches préliminaires à Moscou et Léningrad qui
aboutirent avec le premier lancement d'une fusée à carburant liquide le
17 août 1933. La première
fusée soviétique à carburant liquide, GIRD-10 fut lancée le
25 novembre 1933. L'année
suivante parut le premier ouvrage de Korolev: le vol par fusée dans la
stratosphère. La fusée
était particulièrement bien pensée et très comparable à ce que les
allemands faisaient sous la houlette de Wernher von Braun (ci-contre).
L'armée allemande
s'intéressa de très près à ce que faisait le jeune Wernher von Braun et
l'embaucha dans la VfR (Verein für
Raumschiffahrt, Association pour l'astronautique), lorsque le parti nazi d'Adolf Hitler arriva au pouvoir.
Les nazis
croyaient dur comme fer à la fusée comme vecteur d'une arme absolue.
Lorsque von Braun mis au point l'A4 à Peenemünde, la propagande d'Hitler
lui donna le nom de V2 (Vergeltungswaffe
2), ce qui signifiait" arme de représailles
n°2 (photo de droite). Pendant les
années 1944 et 1945, environ 1200 fusées furent tirées. A la vitesse de
5000 km/h, elles emportèrent leurs charges explosives sur Londres et
Anvers et tuèrent environ 2500 personnes . http://www.nasm.si.edu/galleries/attm/fs.3.html
http://www.astronomie.de/bibliothek/artikel/universum/weltall/v2-in-peenemuende.jpg
Voici la règle à calcul de Wernher von
Braun. Il ne faut pas oublier que les ordinateurs ne sont apparus
qu'après 1970. Je ne souviens que dans la société où je travaillais,
en 1973, il n'y avait qu'un seul calculateur japonais, que nous nous
passions à tour de rôle et nous étions 200 à en avoir besoin. En général, nous travaillions tous avec
notre règle à calcul (celle de nos chères études) et notre table de
logarithmes usagée, à force de servir. Nous faisions tous les calculs très
rapidement, jusqu'à 3 chiffres après la virgule, alors qu'aujourd'hui plus personne ne sait
les effectuer autrement qu'avec un
micro-ordinateur. 
http://www.nasm.si.edu/exhibitions/gal114/SpaceRace/sec300img/321l3s3.jpg
Sergei
Korolev
utilisait aussi
une règle à calcul de fabrication allemande (ironie de l'histoire) avec
laquelle il faisait des calculs à grande vitesse.
Pour ces collègues, c'était un virtuose de la règle à calcul. 
http://www.nasm.si.edu/exhibitions/gal114/SpaceRace/sec300img/322l2s2.jpg
Le travail de Korolev attira l'attention du maréchal Michaï Touratchevski,
qui comptait parmi les plus progressistes des généraux russes. Il parlait 6
langues, jouait du piano dans un orchestre. Il avait toujours été à la
pointe de la technologie pour l'Armée Rouge. Il avait entendu parler du travail
de Korolev et aussi de Valentin Grouchko, qui fut aussi l'un
des pionniers de l'aéronautique, à Léningrad. Il a fusionné leurs 2 organisations, leur
a apporté des fonds et elles firent un excellent travail.
Au milieu des années 30, l'essor de l'aviation et de l'aéronautique
bénéficièrent du soutien de Staline et de son programme
d'industrialisation. Le jeune Korolev fit montre de son talent et fut bientôt promu au poste d'ingénieur général. Les nouveaux appareils comme
le Maxime Gorki, l'avion à 8 moteurs de Tupolev, sillonnèrent les cieux et
symbolisèrent le prestige de l'Est. Pendant ce temps, à l'ouest, l'Allemagne
nazie préparait la guerre en embrassant le dogme national socialiste prêché
par Hitler. Mais pour Staline, la plus grande menace vient de son propre
pays.
La
période noire
Tandis que le GIRD stimulait la recherche en étant très actif au sein de l'URSS
(conférences, périodiques, matériels), les influences militaires devenaient grandissantes. Le GIRD ne survivra que 2 ans avant que les
militaires, s'apercevant du potentiel des fusées, ne le remplacent par le RNII
(Institut de Recherche Scientifique sur la Propulsion à Réaction).
Le RNII développa une série de missiles et de planeurs pendant les
années 30, aboutissant au RP-138 de Korolev, la première fusée
propulsant un avion. Avant que l'avion n'ait pu voler, les ingénieurs
furent jetés en prison, les purges avaient débuté. Les purges
dévastatrices des années 30 décimèrent l'astronautique soviétique.
Elles commencèrent début 1937. C'est encore un mystère pour
tout le monde. Staline décida d'envoyer en prison et de faire abattre des
centaines de milliers, des millions de citoyens soviétiques, y compris un
pourcentage très important des cerveaux les plus compétents. Certains de
ses meilleurs généraux, ingénieurs et scientifiques. Touratchevski, qui
s'était rendu au moins une fois en Allemagne comme quiconque qui commerce
avec eux, était sur la liste noire. Il fut arrêté et exécuté.
On suppose que l'attention que Touratchevski a accordé à Korolev, fut
responsable des soupçons qui pesèrent sur ce dernier. En juin 1938, il fut
arrêté. Des agents du NKVD débarquèrent à trois heures du matin, il n'a
pas eu le temps de faire ses adieux à sa fille de 3 ans. Il fut emmené et
subit un interrogatoire musclé et fut torturé. Il fut envoyé au goulag en
Sibérie. En mars 1940, il est ramené à Moscou et séjourna dans la trop
célèbre prison Butyrskaya.
Le 10 juillet 1940, une commission
spéciale, présidée par
l'effroyable Lavrenti Beria, chef des services secrets de Staline, le
condamna à 8 ans de travaux forcés pour sabotage (selon des ragots).
Korolev fut envoyé pendant des mois sur le transsibérien,
puis sur un navire prison à Magadan et ensuite transféré pendant
une année dans les mines d'or de Kolyma (Sibérie orientale), l'endroit
le plus redouté du Goulag. Là-bas, le patron de Korolev fut Glouchko. Il n'y
eut guère de
détails sur leurs relations, mais à cette époque, ils furent de bons amis.
Korolev échappa de peu à la mort au Goulag, comme presque tous ceux qui y
sont passés. Il creusa dans les mines d'or de Kolyma, la nourriture était exécrable,
il gèlait au-dessous de - 25°C. Très
tôt, Staline reconnut l'importance des ingénieurs de l'aéronautique, dans la préparation
d'une guerre imminente contre Hitler, qui pouvaient aider l'Armée Rouge
en développant de nouvelles armes. Il réussit tout de même à s'en sortir.
Korolev s'est retrouvé dans une
institution vraisemblablement unique baptisée TsKB-39
sharashka (prison bureau), dirigée par Sergei Tupolev, son
professeur, lui-même arrêté. Le
système des sharashkas a été
mis en place pour exploiter le talent emprisonné. C'était une prison
pour ingénieurs et scientifiques. Korolev
y collabora à la conception de
bombardiers et finalement d'avions à moteur fusée.
En Mars 1939, Hitler décida d'étendre son espace vital et s'empara de la
Tchécoslovaquie. Pour ne pas faire les frais de cette politique
expansionniste, le ministre des affaires soviétiques, Molotov, signa un
pacte de non agression avec les allemands le 23 août
1939. Assuré de la neutralité russe,
Hitler envahit la Pologne le 1 septembre. En
réponse, la France et l'Angleterre déclarèrent la guerre à l'Allemagne
le 3 septembre 1939. C'est le début de la 2ème guerre mondiale. Mais le 22 juin 1941, l'Allemagne rompt le pacte et attaque
l'URSS. Les efforts de Staline, pour organiser la défense du pays,
arrivèrent trop tard. Les légions de la Wehrmacht enfoncent l'Armée Rouge
et font des milliers de prisonniers. Les soviétiques se battent avec
l'énergie du désespoir pour stopper la progression allemande en direction
de Moscou.
De
Peenemünde à Podlipki
http://www.astronautix.com/sites/peeuende.htm
http://www.astronautix.com/graphics/p/peeneloc.gif
Devant l'avance allemande, la sharashka fut déplacée vers Omsk puis Kazan
et Korolev avec. Il faisait un travail considérable sur les fusées. Pendant
que Korolev s'épuisait dans l'obscurité, von Braun devint directeur de Peenemünde, le centre d'essais secret allemand sur la Baltique et ses
fusées V2 vont devenir une des armes les plus avancées de la guerre,
malgré les problèmes initiaux de guidage et de propulsion. Dès le 3
octobre 1942, un V2 s'élevait et atteignait l'altitude de 96,5 km, le seuil de
l'espace. Von Braun rêvait d'aller sur la Lune, mais Hitler voulait noyer les
villes alliées sous des milliers de bombes volantes. Elles arrivèrent trop
tard pour sauver le Reich. Après la bataille de Stalingrad, l'Armée Rouge
contre-attaqua et balaya l'armée allemande, autrefois invincible.
Finalement après de durs combats, les soviétiques réduisaient Berlin à un
tas de décombres et opéraient leur jonction avec les unités alliées
occidentales. La guerre sur le théâtre européen était terminée. Bon nombre
de spécialistes allemands en aéronautique se rendirent aux alliés. L'armée
américaine mit ainsi la main sur un important stock de V2 et sur Wernher
von Braun qui allait, dorénavant, poursuivre ses recherches au Texas. Côté
soviétique, Korolev était un des rares ingénieurs capables d'évaluer le
niveau technologique des missiles récupérés. Il fut donc libéré sur
parole le 27 juillet 1944, promu au grade de colonel et envoyé le 8 septembre 1945 à la tête d'une équipe pour
inspecter les installations allemandes d'assemblage et de lancement. Les
soldats soviétiques découvrirent une usine souterraine de fabrication de V2
à Nordhausen. Les missiles furent envoyés à quelques km de Moscou pour y être
testés. En août 1946, Sergei
Pavlovich Korolev fut nommé chef du département nouvellement
créé, NII-88, à
Podlipki au nord-est de Moscou.
Cette organisme fut
responsable du développement et de l'industrialisation des missiles
basés sur des V2.
Et sous la houlette de Korolev, les soviétiques apprendront
à faire des fusées grâce aux pièces saisies et à l'aide de techniciens
allemands emmenés en URSS.
La
Guerre Froide
http://www.atomicmuseum.com/tour/photos/churchill_stalin_truman_potsdam.jpg
L'ambiance était électrique à Potsdam (banlieue de Berlin)
du 17 juillet au 17 août 1945 lors de
la conférence entre les USA, la Grande Bretagne et l'URSS représentés par
le président Truman (au centre), le premier secrétaire du parti
communiste Staline (à droite) et le premier ministre britannique
Churchill (à gauche), et, après sa défaite aux élections par le
nouveau premier ministre Attlee. Les accords de Postdam décidèrent du sort de l'Allemagne à la fin de la
2e guerre mondiale en transférant l'autorité allemande aux commandements
militaires américains, britanniques, français et soviétiques dans leur
zone d'occupation respective
Chaque pays allié
occupera une partie de la capitale allemande selon la division suivante:
-
L'URSS
et les USA partagèrent la ville en deux, la partie Ouest revenant aux
américains.
-
Mais les américains jugèrent que les Anglais méritaient de
posséder une part du gâteau, ils divisèrent de ce fait leur partie en deux.
-
Cependant Winston
Churchill trouva injuste que les Français n'aient rien. Il décida donc
de diviser sa zone en deux et donna la partie Nord à De Gaulle. C'est pour
cela que les zones françaises et anglaises étaient les plus petites. C'est le 15 août 1961 que
Khrouchtchev décida de diviser Berlin par un mur de 50 km afin d'empêcher
les Allemands de RDA d'allaient à l'Ouest (photo de droite en oct 1962).
Staline voulait régner en
maître sur le pays afin qu'il ne puisse jamais plus attaquer l' URSS. La
défiance remplaça la solidarité du temps de la guerre. La Guerre Froide
venait de commencer. Il ne fallut guère attendre longtemps, pour qu'un
"rideau de fer" selon la terminologie de Winston Churchill, ne
sépare l'Europe. Puis en 1948, Moscou entama le blocus de Berlin pour
obliger les alliés à quitter la ville. La fermeture des routes, des
chemins de fer et des voies fluviales en direction de l'est, sonne le glas
des espoirs entre l'ouest et L'Union soviétique.
L'une des photographies
les plus célèbres du pont aérien: les Berlinois se pressent pour
assister au passage incessant des "Skymaster" aux approches de
Berlin-Tempelhof. DITE/USIS
http://aerostories.free.fr/berlin/img10.jpg
L'ère
des missiles balistiques
Alors que l'URSS avait été ravagée par la guerre, Staline lança un
programme de renforcement de sa puissance militaire. Sergei Korolev fut à
la tête d'une équipe d'ingénieurs dont la tâche consista à améliorer
une copie du V2. Cette version soviétique est baptisée R1 et pendant que
Korolev teste secrètement ses missiles, les soviétiques, grâce à leurs
espions, percent le secret de la bombe atomique en 1949. Ce sont les
militaire qui chapeautent les recherches aéronautiques, mais Korolev
rêve toujours de la conquête spatiale. Il teste des combinaisons
spatiales et des systèmes de retour pour les animaux envoyés à des
altitudes de plus en plus élevées avec des fusées R1 modifiées. Au
début des années 50 est créé un conseil d'ingénierie pour accélérer
la mise au point des missiles balistiques. Au milieu d'un aréopage de
spécialistes émérites se trouve l'ancien patron de Korolev au goulag:
Valentin Glouchko. Son bureau d'études a mis au point des moteurs à
propergols liquides pour les fusées de Korolev. Le programme soviétique
va prendre de l'ampleur et finir par regrouper des centaines de bureaux
d'études et différents organismes sans structures formelles. Korolev est
chargé de coordonner les efforts de toutes ces entités. En 1953, les
soviétiques surprennent une fois de plus leurs homologues occidentaux en
faisant exploser leur première bombe à hydrogène 9 mois seulement
après les USA. Korolev se voit alors confier la mission de mettre au
point un missile balistique. Staline est curieux de voir si une telle arme
peut s'abattre sur New York ou Londres. Ce sont ses demandes qui poussent
les chercheurs soviétiques durant les années 50. Mais il ne verra jamais
l'aboutissement, sa mort en mars 1953 mettant fin à un des chapitres les
plus tumultueux de l'Histoire.
-
Zemiorka
Après le décès du"petit père du peuple", Nikita Khrouchtchev
lui succéda en l'emportant sur ses rivaux. Il n'entend rien à
l'aéronautique, mais fait confiance au camarade Korolev pour lui fournir
le soutien dont il a besoin. L'ingénieur en chef avec son adjoint Vassily
Pavlovitch Mishin et les spécialistes soviétiques du nucléaire mettent
au point le missile R5M. Ce nouvel engin avait un rayon d'action de 1 200
km et fut testé avec une tête thermonucléaire. Le R5M satisfit les
militaires, mais ils réclamèrent un rayon d'action plus important et une
vitesse accrue. Khrouchtchev donna le feu vert à Korolev qui mit en
chantier le premier missile balistique intercontinental (ICBM
intercontinental ballistic missile), le
R7. Mais un
désaccord entre ses concepteurs, au sujet du système de propulsion, dégénère
bientôt en bataille rangée. Korolev voulait un missile balistique de
plus longue portée, mais souhaitait en rester à l'utilisation d'un
carburant liquide kérosène/oxygène liquide, qui avait fait ses preuves.
Glouchko voulait un ergol stockable. Ils ne réussirent pas à se mettre
d'accord. Charles P. Vick raconta que Glouchko ne livrait pas à temps les
moteurs demandés pour les véhicules dérivés du R7 et utilisés pour la
course spatiale. Korolev prit alors la responsabilité de les faire mettre au
point par son propre bureau d'études.

Le
R7 surnommé Zemiorka (le petit sept) est doté de 4 boosters auxiliaires
accolés à la partie inférieure de la fusée. Les boosters coniques
mesurent 19,80 m de haut pour un diamètre de 26,8O m à la base. Le corps
principal mesure 28,75 m de haut et un diamètre max de 2,95 m aux points
d'attaches des boosters. La fusée pèse 267 tonnes au décollage pour
30,5 m de hauteur.
-
Baïkonour
Un immense centre de
lancement est construit dans la zone semi désertique de Baïkonour, au
Kazakhstan, c'est le Cosmodrome de Baïkonour. L'emplacement de cette base
répondait aux conditions d'isolement et de sécurité nécessaire au
régime soviétique.
Sur la carte dont je
dispose, il semble que Tioura-Tam se trouve à 10 km à l'ouest de Diirmentobe.
Léninsk est le nom donné à la nouvelle ville construite en face, de l'autre
côté du Syr Daria.
Pour localiser la base, voir la carte
de la Russie à gauche (2 Mo)
et la carte de la Russie concernant
la région ouest
à droite (300Ko). Pour faire court, Baïkonour est à mi-chemin sur la route
Paris -
Changhaï.
Le
20 mai 1954, le Conseil des ministres donna le feu vert pour le choix d'un
cosmodrome. Le choix d'une région de lancement fut imposée par une faible population, des
terres peu ou pas agricoles, ensoleillement élevé, loin des frontières, le
plus au sud possible afin de bénéficier au maximum de la rotation de la Terre,
une voie ferroviaire et une voie
navigable. C'est
à l'est de la mer d'Aral (160km) et à 800 km à l'ouest de Tachkent qu'une région semi-désertique fut
choisie.
Elle se trouve à 350 km au sud-ouest de la petite ville de Baïkonour. Au nord
de celle-ci, un plateau porte le joli nom de la terrible Bed-Pak-Dala "Steppe
de la Faim" des nomades Kirghiz. Au
sud, ce sont les sables du désert Karakum. Le tout a été soumis au
cours des siècles à un processus de dénudation dû en grande partie à la
sécheresse extrême du climat, essentiellement continental. A proximité coule un des plus
importants fleuves d'Asie, le Syr-Daria. Il prend sa source dans les
montagnes du Kirghizistan et après un parcours de 3 000 km dans les steppes du
Kazakhstan, se jette dans la mer d'Aral. Voir la zone autour de la mer
d'Aral (130Ko) pour mieux localiser Baïkonour et Tioura-Tam.
Pour leurrer "l'adversaire potentiel",
les services secrets soviétiques ont donné à la Fédération Aéronautique
Internationale, le nom de cette ville comme lieu de lancement de Gagarine, pour
faire homologuer ce vol humain. Or, le cosmodrome se trouve à proximité de
Tioura-Tam.
Pour faire plus vrai, le nom de
Baïkonour était affiché à l'entrée de la base. Toujours dans ce but, les
coordonnées de la base furent officiellement de 47,4° N et 63,4° E, alors
qu'en réalité il s'agit de 45°57' N et 63°18' E. Ce n'est qu'à l'occasion
du vol Apollo-Soyouz de 1975, lors de visites de journalistes, que la supercherie fut découverte,
quoique qu'un astronome japonais, en 1957, s'était rendu compte du stratagème.
La superficie de Tioura-Tam (Baïkonour) représente le quart de la Belgique
(8000 km2 environ, soit un carré de 90 km de côté).
Sur le schéma ci-dessous, des kilomètres séparent chaque bâtiment. Par
exemple entre 5 et 1, il y a 5 km et entre 5 et 3, il y a 16 km.
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