Korolev (2ème partie)

La course à la Lune

  Après  les grandes premières, Korolev se fixa un but: être le premier sur la Lune. Hélas, son décès prématuré l'arrêta net dans sa course contre Wernher von Braun. Ses successeurs n'avaient pas son talent et les échecs du lanceur N1 firent des USA le grand vainqueur. Cette course à la Lune aura permis d'éviter une troisième guerre mondiale.


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1ère partie

   

  1. Objectif Lune, Vénus et Mars

 La CIA fit construire l'avion secret U2 A mesure que les potentiels des missiles balistiques soviétiques augmentent, les américains ont de plus en plus besoin de connaître les intentions des soviétiques. La CIA fit construire l'avion secret U2 conçu pour prendre des photos à haute altitude. Equipés d'appareils photographiques sophistiqués, l'avion espion de Lockheed ramena d'excellents clichés des bases soviétiques. Mais il est inefficace pour découvrir ce qu'il se passait à l'intérieur de celles-ci. Or, c'est là que l'équipe de Korolev prépare le voyage vers la Lune.
 http://mas.arc.nasa.gov/gallery/er2/U2-R.jpg

http://www.astronautix.com/graphics/l/luna1.jpg  

   http://www.nasm.si.edu/galleries/gal114/SpaceRace/sec300/311l5p5a.jpg
la sonde soviétique Luna 1 (361 kg)   Le premier lancement vers la Lune eut lieu de la sonde soviétique Luna 1 (361 kg) (à droite), le 2 janvier 1959. Elle survola le lendemain,
notre satellite à 6 500 km, avant de devenir la première planète artificielle: Meichtcha.  A cette époque, les paramètres de l'orbite lunaire n'étaient pas connus, d'où les échecs des débuts. Le 1er impact eut lieu avec Luna 2 (390,2 kg), le 13 septembre 1959 à 22h05 prés de la mer des Pluies. C'est Luna 3, à gauche, (h=1,3m d=1,2m et 435 kg) qui transmis les  Luna 3 (435 kg)  transmis les premières photos de la face cachée de la Lune premières photos de la face cachée (image ci-dessous), lors d'un survol à 65 000km le 4 octobre 1959 (2 ans après Spoutnik). A bord il y avait un labo photo pour le développement automatique autorisant un tirage papier des vues et un convertisseur permettait une  transmission radio sous 1000 lignes de résolution. Après son survol, elle retomba sur Terre, le 20 avril 1960. Pour la première fois, les scientifiques pouvaient dresser la carte géographique de la face arrière. L'objectif suivant du constructeur en chef fut Vénus. Spoutnik 8 est lancé, mais les batteries tombèrent en panne 1 semaine après le lancement, pour un voyage sensé durer 3 mois. Korolev lancera 13 sondes en direction de Vénus et de Mars avant de connaître le succès. Les masses satellisables deviennent de plus en plus volumineuses et les problèmes s'accumulent pour le nouveau lanceur Vostok. Des  soudures de mauvaise qualité, peu fiables en ambiance spatiale, furent responsables de beaucoup d'échecs. Mais les militaires s'en moquaient. Korolev était souvent en butte avec eux, ces derniers ne voulant rien d'autre qu'un système d'armes. C'est ainsi que Korolev continua seul, dans l'indifférence de l'Armée Rouge. Les techniciens de son bureau d'études appelé OKB1, s'efforcèrent de mettre au point un engin spatial capable d'accueillir un être humain. Les avions U2 continuaient de survoler l'URSS comme bon leur semblait. En mai 1960 le pilote Francis Garry Powers est abattu par des missiles sol-air soviétiques d'une nouvelle génération. Les capacités de reconnaissance américaine s'en trouvent sévèrement réduites. Ce n'est pas ainsi que les USA connaîtront les plans secrets du constructeur en chef pour envoyer un homme sur la Lune. L'OKB1, qui s'occupe aussi de l'équipage, met au point un système de sauvetage et de récupération pour un vol spatial habité. Les cosmonautes qui ne sont même pas sensés exister, subissent des tests médicaux très poussés et un entraînement rigoureux, en vue de missions orbitales. 

Luna 3 a transmis les  premières photos de la face cachée
http://www.nasm.si.edu/galleries/gal114/SpaceRace/sec300/311l6p6.jpg

 

Luna I

2 janvier  1959

Passe à 6000 km de la lune et devient satellite solaire.

Luna 2

12 septembre 1959

1er impact d' une sonde lunaire.

Luna 3

4 octobre 1959

1er sonde à photographier la face cachée de la lune.

  1. Ivan Ivanovich

 Ce voyageur de l'espace, sans vie, orbita autour de la Terre le 23 mars 1961, quelques semaines avant le vol de Gagarine. Sa mission fut de tester le Vostok et la combinaison sous pression aussi bien pendant la poursuite que pendant les opérations de retour. Ce mannequin fut appelé "Ivan Ivanovich" tout comme les américains baptisèrent le leur " Joe Doe". Pour éviter toute confusion lors de l'atterrissage, les techniciens écrivirent sur son front "modèle".

  Tout comme le firent les cosmonautes du Vostok par la suite, le siège éjectable d'Ivan Ivanovich fut éjecté de la capsule après la rentrée dans l'atmosphère vers 7 000 m. Il fut ensuite éjecté du siège et atterri dans l'Oural, près de la ville d'Izevsk pendant une très forte tempête de neige. Ivan Ivanovich resta plus de 35 ans dans sa combinaison spatiale.

  1. Vols humains

http://www.astronautix.com/graphics/v/vost1kp.jpg

Le 12 avril 1961, à Baïkonour, une fusée avec la capsule Vostok  envoya un jeune lieutenant du nom de Youri Gagarine  Pendant que les américains fêtent le vol d'un chimpanzé, Korolev règle les derniers détails d'une mission qu'il rêve depuis toujours. Le 12 avril 1961, à Baïkonour, une fusée avec la capsule Vostok 1 (à gauche) envoya un jeune lieutenant du nom de Youri Gagarine, en orbite terrestre. A 9H07 Gagarine lance "Poekhali" (on y va). L'on saura des décennies plus tard que c'était peut-être la 2e fois qu'un homme partait pour l'espace (voir Iliouchine). Le Vostok fonctionna à merveille et Youri Gagarine fut déclaré"héros de l'Union soviétique". Au retour, il y eut un problème au niveau d'une rétrofusée, mais Gagarine aurait conservé son sang-froid bien que sachant qu'il n'avait que 6 chances sur 10 de s'en sortir. Il rentra dans l'atmosphère à la fin de la 1ère orbite. Des décennies plus tard, nous saurons que Gagarine quitta la capsule à 6 000 m et termina le vol en parachute dans un champ. Le retour automatique n'était pas au point lors des premiers vols.

  Le succès de Korolev devint un des faits marquants de l'aéronautique dont l'homme dans l'espace restera le grand succès personnel du constructeur en chef.

 Nikita Khrouchtchev qui instantanément savait saisir au vol un coup médiatique présenta Gagarine au monde entier comme le symbole vivant de la maîtrise technologique soviétique. Trois mois après le vol inattendu de Gagarine, les USA lancaient le capitaine Alan Shepard sur une orbite suborbitale depuis Cap Canaveral. Et le président fraîchement élu, John Kennedy lança un défi le 25 mai 1961: "atteindre la Lune avant la fin de la décennie".

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John Kennedy lança un défi: "atteindre la Lune avant la fin de la décennie"   I believe that this nation should commit itself to achieving the goal, before this decade is out, of landing a man on the Moon and returning him safely to the Earth. No single space project...will be more exciting, or more impressive to mankind, or more important...and none will be so difficult or expensive to accomplish...."    "Je crois que cette nation pourra réaliser elle-même, avant dix ans, l'atterrissage en douceur d'un homme sur la Lune. Ce n'est pas un simple projet .....qui sera  des plus excitants ou plus impressionnants pour l'humanité .... sans être trop difficile ou trop onéreux à accomplir..." (24 milliards de dollars en 1970, étalé sur 10 ans, soit moins de 15 dollars par habitant et par an).

 Wernher von Braun se trouva sous les projecteurs, tandis que Korolev poursuivait sa tâche dans l'ombre. A cette époque, une véritable paranoïa entourait le militaire et le spatial. Korolev en était frustré, surtout face à la renommée de Wernher von Braun.  


La capsule Mercury de John Glenn
  Le 15 août 1961 les soviétiques ordonnaient la construction du mur de Berlin, long de 50 km, véritable symbole des multiples tensions Est/Ouest, derrière lequel les soviétiques allaient de succès en succès. Le 6 août 1961 Guerman Titov à bord de Vostok 2 passa 24 h en orbite et filma les premières images de la Terre. Le 20 février 1962, les USA commençaient à combler leur retard en lançant le colonel de l'aéronaval John Glenn, à l'aide d'une fusée Atlas surmontée d'une capsule Mercury. C'était le 1er américain en orbite autour de la Terre. Il effectua 3 révolutions complètes autour de la Terre en 4h55mn.

 

  1. Projet lunaire

     Le bureau d'études de Korolev commença à travailler sur une capsule, baptisée L1, capable d'emmener 2 hommes pour effectuer une simple boucle autour de la Lune, en 1965. Par suite de défectuosités nombreuses, la L1 ne vola jamais avec un équipage. Toutefois, un véhicule inhabité L1 partit vers la Lune, sous l'appellation de Zond, 5 fois de 1968 à 1970 pour tester le vaisseau et les manoeuvres nécessaire à l'arrivée d'un homme sur la Lune. En septembre 1968, Zond 5 fut le premier vaisseau spatial à contourner la Lune et à revenir sur Terre.

  En 1970 et 1973, 2 vaisseaux posèrent sur le sol lunaire 2 petits véhicules, Lunakhod, télécommandés depuis la Terre. Ils se promenèrent autour de leur site d'atterrissage. Les Lunakhod étaient équipés pour prendre des photos, analyser des roches et des échantillons du sol, tout comme l'auraient fait des cosmonautes, mais en quantité moindre. De plus, ils possèdent un réflecteur laser, vers lesquels des tirs ont lieu depuis cette date, depuis la Terre, notamment par les Français depuis le CERGA près de Cannes. Bien que les robots soviétiques aient rempli leur mission, ils furent surclassés par les missions humaines entreprises par les américains.

 Baïkonour: http://www.nasm.si.edu/exhibitions/gal114/SpaceRace/sec300img/381l4p4.jpg

Baïkonour vue par CORONA Les progrès de la technologie spatiale offraient également un remplaçant à l'avion U2. Les analystes de la CIA disposèrent d'un satellite de renseignements CORONA, opérationnel d'août 1960 à mai 1972. Ce programme fut déclassifié en février 1995. Ses appareils photos (à gauche) furent braqués sur une zone à l'est de la Mer d'Aral, le cosmodrome Tioura-Tam (Baïkonour). Ils y trouvèrent de quoi étayer une rumeur parvenue aux oreilles du patron de la NASA, James Webb, faisant état d'un programme soviétique d'envoi d'un homme sur la Lune. Sur les photos les spécialistes distinguèrent le pas de tir Soyouz/Spoutnik avec ces infrastructures. Mais plus intéressant, ils aperçurent aussi des signes de construction de routes, ainsi que les premières ébauches de construction de bâtiments. Cela devint plus évident sur les photos de septembre 1963, permettant à James Webb en octobre de la même année de déclarer que des signes avant-coureurs d'un programme soviétique d'envoi d'hommes sur la Lune, étaient visibles. Il n'en était pas certain à l'époque, mais dès octobre 1964, il en était convaincu, puisque la construction du pas de tir était commencée. Sur les photos, la taille gigantesque des infrastructures étaient visibles, les fils d'alimentation électrique, signes infaillibles d'une évolution technique, allaient vers ce qui sera le centre de contrôle, la ville où les personnels étaient logés, les entrepôts, la 1ère usine d'assemblage, le lieu de stockage, la voie ferrée allant vers les 2 pas de tir et les portiques. Mais les soviétiques ne se mirent à travailler sérieusement, pour l'envoi d'un homme sur la Lune, qu'en 1964. Ils avaient effectué les études de conception en 1962 - 1963 et commencèrent à bâtir les infrastructures en 1963. Ils avaient travaillé sur les plans dès août 1962, mais ce n'est devenu un programme d'état qu'en 1964, soit plus 28 mois après les américains.

  Le régime de Khrouchtchev ne cessait de progresser dans l'espace, mais il perdit son soutien politique au Kremlin. Les chefs militaires ne l'appréciaient plus. Ils le trouvèrent trop souple vis à vis des occidentaux. Il fut limogé par le Politburo en 1964 et fut remplacé par Léonid Brejnev qui n'avait que faire des réussites spatiales; Korolev maintint pourtant un planning ambitieux. Le 12 octobre 1964, la 1ère mission Voskhod emmène plusieurs hommes en orbite. Korolev ne cessent de devancer les américains malgré les terribles contraintes qui lui sont imposées. Mais pas aussi intenses que celles supportées par les hommes du programme Apollo pour tenir le calendrier. En URSS, seuls les systèmes d'armes étaient importants. Savoir quand les USA aller lancer leur premier missile balistique provoquait une véritable paranoïa. Le programme lunaire n'avait jamais été prioritaire et par conséquent Korolev n'avait jamais eu à subir la pression publique qui existait aux Etats-Unis. Il devait supporter celle d'une multitude de projets et il fut très improbable qu'il puisse les faire tous aboutir. Mais Korolev se concentra sur son objectif à savoir l'arrivée d'un Soviétique sur la Lune. Il lui faut concevoir un environnement dans lequel un homme puisse vivre et travailler dans l'espace. La première étape est franchie le 18 mars 1965 lorsque Alexi Eleonov sorti, pendant 10 mn, du vaisseau Voskhod 2 pour se promener attaché par un cordon ombilical. La preuve était faite qu'un cosmonaute pouvait se mouvoir dans le vide. Il ne restait plus qu'à construire le vaisseau pour les poser sur la Lune. C'est à partir de  Voskhod 1 que les cosmonautes soviétiques purent revenir sur Terre à bord de leur capsule, grâce à une rétro-fusée qui assura une prise de contact en douceur.

  1. Les premiers cosmonautes soviétiques

 
Nom du vaisseau Lancement Masse (kg) Période (mn) Inclinaison (degrés) Périgée (km) Apogée (km) Observations
Date locale 
Vostok 1 12 - 04 - 61 4 725 89,1 65,0 180 327

Rentré le 12/4/61. 1er vol d'un homme dans l'espace. Récupération de Youri Gagarine après 1 révolution.

Vostok 2 06 - 08 - 61 4 731 88,6 64,9 179 257

Rentré le 7/8/61. Récupération de Guerman Titov après 17 révolutions.

Vostok 3 11 - 08 - 62 4 736 88,3 65,0 183 251

Rentré le 15/8/62. Récupération de Adrian Nikolaïev après 64 révolutions. Vol jumelé avec Vostok 4.

Vostok 4 12 - 08 - 62 4 730 88,4 65,0 180 254

Rentré le 15/8/62. Récupération de Pavel Popovitch après 48 révolutions. Il est passé à 5 km de Vostok 3.

Vostok 5 14 - 06 - 63 4 730 88,3 65,0 175 222

Rentré le 19/6/63; atterrissage de Valery Bykovsky après 81 révolutions. Vol jumelé avec Vostok 6.

Vostok 6 16 - 06 - 63 4 730 88,4 65,0 183 233 Rentré le 19/6/63; atterrissage de Valentina Terechkova, première femme cosmonaute, après 48 révolutions. Est passé à 5 km de Vostok 5.
Voskhod 1 12 - 10 - 64 5 322 90,1 65,0 161 410

Rentré le 12/10/64; premier vaisseau spatial triplace. Atterrissage de Vladimir Komarov, Konstantin Féoktistov et Boris Yegorov après 16 révolutions. 

Voskhod 2 18 - 03 - 65 5 980 90,9 65,0 172 496 Rentré le 19/3/65; première sortie d'un cosmonaute dans l'espace. Alexis Eleonov passe 10 mn hors du vaisseau et atterrit avec Paul Beliaïev après 17 révolutions.

  Pour la petite histoire, Valentina Terechkova épousa Adrian Nikolaïev et ils eurent un enfant. Ils divorcèrent quelques années plus tard pour incompatibilité d'humeur.

  Adrian Nikolaïev et Pavel Popovitch furent surnommés "les jumeaux de l'espace". C'était la première fois que des tâches importantes étaient assignées aux cosmonautes. De nombreux spécimens avaient été placés à bord de leurs vaisseaux pour permettre l'étude des effets exercés sur des organismes vivants par les radiations et par l'état d'impesanteur. Par ailleurs, les cosmonautes avaient à surveiller leur propre comportement, à noter soigneusement leurs impressions personnelles et à en rendre régulièrement compte. Par rapport aux vols précédents, ils purent se détacher de leur siège à intervalles réguliers et flottaient dans la cabine.

  1. La fusée lunaire N1L3

Sur le pas de tir:    http://www.myspacemuseum.com/n1a2.gif

Vue en coupe:   http://www.nasm.si.edu/exhibitions/gal114/SpaceRace/sec300img/380l3f.jpg


Erection du N1:    http://www.nasm.si.edu/exhibitions/gal114/SpaceRace/sec300img/381L1bP1b.JPG

 

Erection du N1     Les calculs des ingénieurs du bureau d'études de Korolev montraient qu'il allait falloir La nouvelle fusée géante N1 avec ses 105 m de haut. construire une fusée beaucoup plus imposante que celles de l'époque. Des plans furent dessinés et des essais en soufflerie sur des maquettes montrèrent la voie à suivre. Ces études aérodynamiques étaient indispensables car il allait falloir faire appel à des moteurs révolutionnaires. En théorie les poussées combinées des divers étages conféreront à la nouvelle fusée géante N1, avec ses 105 m de haut, la capacité de poser un homme sur la Lune. Korolev avait introduit 'N' pour une série de lanceurs signifiant "fusée porteuse" (N=nositel = carrier rocket). Une maquette de l'Orbiter et de la capsule lunaire baptisée L3 furent mises à l'essai. Le L3 occupait les 3 étages supérieurs de la fusée géante. L'ensemble appelé N1L3 devait être acheminé par tronçons en train jusqu'à Tioura-Tam (Baïkonour). A l'intérieur de l'usine d'assemblage, les énormes réservoirs du N1 étaient soudés les uns aux autres. Même les ingénieurs contemplaient avec respect l'immense fusée. Son premier étage comportait pas moins de 30 moteurs et elle mesurait 105 m de hauteur. Le premier étage du N1 comprenait 30 moteurs NK 15, le 2e étage 8 x NK 15 qui donneront naissance au NK 33 remis à jour au sein d'une coopération russo-américaine.

 

Le premier étage du N1 comprenait 30 moteurs NK 15
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   En fait, une arrière pensée orienta le projet: utilisation de l'énergie nucléaire. Un propulseur où de l'ammoniaque aurait été chauffé grâce à l'énergie nucléaire. L'OKB-1 de Korolev  ébaucha  3 variantes de ce projet. La 3ème version  fut désignée "super fusée" avec une masse au décollage de 2 000 tonnes et une charge utile de 150 tonnes. Ce fut le véritable ancêtre du lanceur qui deviendra plus tard la fusée lunaire N1. Les 1er et second étages en forme de fusée conique furent adoptés pour devenir les étages du futur lanceur N1. Le premier étage était constitué d'un groupement de moteurs Kouznetsov NK-9 de 52 tonnes de poussée chacun (photo ci-dessus: diamètre = 16 m). Le second étage aurait utilisé 4 moteurs nucléaires avec une poussée totale de 850 tonnes, opérant sous une température de 3500°K et une impulsion spécifique de 550 s dans le vide spatial et utilisant l'ammoniaque. Plus tard, le mélange hydrogène-méthane fut considéré comme bien meilleur. A cet époque, l'utilisation de l'hydrogène liquide ne fut pas considérée comme techniquement possible, à court terme.

  Pour avoir une idée de toutes les tâches que Korolev devait accomplir, il faudrait prendre toutes les agences de la NASA, plus une cinquantaine d'entreprises aéronautiques et une structure d'encadrement gigantesque. Telle était l'ampleur des responsabilités de l'unique bureau d'études de Korolev.

 


Hauteur

diamètre max

charge utile sur une orbite de 200 km

masse totale au décollage

masse des ergols

  • oxygène

  • kérosène

poussée au décollage


105 m

17 m

90 t

2825 t

 

1730 t
680 t

4615 t

 

  1. La mort de Korolev

  Malheureusement, le constructeur en chef des lanceurs et systèmes spatiaux ne verra jamais voler sa N1. Ce qui lui évitera aussi de connaître le succès de Wernher von Braun, responsable du premier vol habité autour de la Lune Apollo 8 à Noël 1968. Le 14 janvier 1966, le père du programme spatial soviétique s'est éteint à l'âge de 59 ans (1905/1966).

  Il avait été hospitalisé pour une intervention chirurgicale bénigne, le retrait d'un polype au colon. En ouvrant, le chirurgien découvrit une énorme tumeur cancéreuse et hélas, il n'était pas spécialiste des tumeurs, mais des polypes. Il est restait 8 heures sur la table d'opération. Il n'avait pas un coeur en très bon état, il avait dû être affaibli par son séjour au goulag, d'autant que les choses s'aggravèrent quand on voulut lui poser un appareil d'assistance respiratoire. Il avait eu la mâchoire cassée pendant son internement au goulag et l'appareil ne tenait pas bien. Finalement, il dut être intubé pour pouvoir respirer et donc lui faire une trachéotomie. Là encore s'était de la routine, mais pour lui se furent des complications supplémentaires. L'opération terminée, Korolev décéda en salle de réveil à 59 ans.

  1. Difficile succession

l'assistant de toujours de Korolev, Vasiliy Pavlovich Mishin. Le concepteur de moteur, Valentin Glouchko aspirait à diriger le bureau d'études de Korolev, mais c'est l'assistant de toujours du constructeur en chef, Vasiliy Pavlovich Mishin (ci-contre), qui hérita du poste grâce Brejnev dit-on !... http://www.myspacemuseum.com/mishin.gif

  Pendant longtemps, Mishin fut très critiqué et fut même accusé de l'échec du programme lunaire. En réalité il était un adjoint extrêmement intelligent de Korolev. Une raison de l'impopularité de Mishin venait du fait qu'il empêchait les autres de travailler pour leur propre compte et voulait qu'ils travaillent pour ce dont ils étaient payés.

  A la mort de Korolev, il y avait 25 programmes distincts en cours à l'OKB1 (bureau d'études N°1). De ce fait certains programmes furent mis en attente par Korolev et Mishin a dû les reprendre pour essayer de mener de front à la fois le rêve de son prédécesseur, envoyer un homme sur la Lune et les autres programmes. Mais là encore, il a dû faire face à la concurrence des autres bureaux d'études qui ne dépendaient pas du ministère ou de la direction politique, pour qu'il l'aide à faire marcher ce programme.

  Le programme lunaire N1L3 était une entreprise titanesque. Un énorme pas de tir fut construit pour résister aux 48 tonnes/m2 de poussée d'une fusée, dont on dit qu'elle dépassait de 25% la puissance de la Saturne V de Wernher von Braun et pourtant ne devait emmener que 2 Soviétiques vers la Lune. Il y a un mystère qui n'est pas encore résolu. Le projet rassembla les efforts de 500 000 personnes (400 000 personnes aux USA) dépendant de 26 ministères et de plus de 500 centres de recherches, d'usines et de bureaux d'études plus ou moins coordonnés par Vassili P. Mishin. Mais l'OKB1 était directement responsable de la conception du module de sortie L3, lequel devait emmener 2 cosmonautes en orbite lunaire.

   Une petite capsule emmenant un membre d'équipage devait se détacher pour se poser sur la surface sélène et le ramener ensuite à l'Orbiter. Aucun engin comparable au N1 n'avait encore était lancé. Avant que quiconque ne puisse se rendre sur la Lune, un bureau d'études fit construire un centre de lancement pour les fusées géantes. Il se présentait sous la forme d'énormes masses de béton comprenant entre autres 4 niveaux souterrains de systèmes électriques et d'appareillages divers. Pendant tout ce temps, le système de reconnaissance CORONA continuait de fournir des photos à la CIA et ses découvertes permettaient de rédiger des rapports d'évaluation de renseignements. En novembre 1967 les premiers véhicules de test de lancement du N1L3 s'approchaient du pas de tir. Le véhicule ferroviaire transporteur/érecteur avec ses moteurs se distinguait nettement, ainsi que quelques ensembles de levage et les 3 premiers étages avec le L3 au sommet. C'est ce qui a surpris, car les américains ne s'y attendaient pas. Le véhicule était plus volumineux et plus grand.

  Une autre fusée N1 fut acheminée sur un des sites de lancement de Tioura-Tam (Baïkonour), pour vérifier le bon fonctionnement de l'ensemble. Une maquette du complexe lunaire L3 fut utilisé. Pour permettre au cosmonaute de survivre sur la surface sélène, une combinaison équipée d'un accès arrière et d'un nécessaire de survie porté sur le dos fut fabriquée par un bureau d'étude spécialisé. Un simulateur d'entraînement avait été installé non loin de Moscou pour préparer le cosmonaute à la descente vers le sol. Contrairement au module Apollo de Wernher von Braun, qui utilisait une approche d'atterrissage elliptique, celui de Korolev devait arriver perpendiculairement au sol lunaire. Mais il était impossible de prévoir si le sol à cet endroit allait être plat ou accidenté, solide ou recouvert de poussières et des petits moteurs furent ajouter pour stabiliser l'atterrissage.

  1. Les accidents

  4 fusées lunaires géantes  N1L3, furent construites entraînant 4 tentatives désastreuses (2) de 1969 à 1972 :

  •   Le 21 février 1969, pour faire coïncider avec la fête de l'Armée Rouge,  à  12h18mn7s (heure de Moscou) eut lieu le lancement de la première superfusée. Le N1 s'enlaça avec une puissance inconnue jusqu'à ce moment-là. Lorsqu'il fut à 500 m de hauteur, les flammes léchaient encore le sol. Puis tous les spectateurs virent que les flammes s'amenuisaient d'un côté. 2 moteurs sur les 30 venaient de s'éteindre. A la 6e seconde des vibrations importantes rompaient une canalisation d'oxygène, puis à la 28e une autre cassait. L'oxygène se répandit et un incendie se déclara à la 55e seconde. A 68,67 s, alors que le N1 atteignait 30 km, les 30 moteurs s'éteignirent. Alors qu'il tombait, l'arrière était en feu. Les débris tombèrent à 50 km. La zone recouvra 7km2 avec au centre un entonnoir de 30 m de diamètre et 15 m de profondeur.


http://www.friends-partners.ru/partners/mwade/graphics/q/qn16907a.jpg

  •  Le 3 juillet  1969 à 23h18mn32s  c'était le grand jour. Le lanceur éclairait la steppe sur 50 km à la ronde. Le décollage a eut lieu, mais au bout de 10s et à 100m d'altitude un booster donna des signes de faiblesse. L'équipe était déçue, mais le pire était à venir. Mishin avait reçu l'ordre de devancer les américains. Au décollage, la turbopompe d'oxygène liquide du moteur n° 8 explosa à la suite de la fracture d'un senseur, dont les fragments se retrouvèrent dans la pompe à oxygène. Pourtant l'énorme fusée décolla sous la poussée des 30 moteurs. Mais en passant le sommet des portiques de lancement, le contrôle automatique, victime d'un dysfonctionnement coupa l'alimentation de 29 des 30 moteurs Kouznetsov. Privée de puissance, la fusée N1 cala. Les moteurs de secours du module se déclenchèrent et se séparèrent de la fusée, mais le moteur endommagé, continua de fonctionner et bascula sur le côté en redescendant. Le N1 n'était pas équipé de système de destruction. Le système de sauvetage fonctionna et la partie lunaire se sépara du lanceur. Le N1 s'écrasa sur le pas de tir 18 secondes plus tard. Il a soufflé un des paratonnerre haut de 180 m, éjecté le portique de ferraille et détruit 4 niveaux des bâtiments de lancement. Une explosion équivalente à celle d'une arme nucléaire tactique se produisit. 

       Les photos de CORONA révélaient l'ampleur des dégâts. Sur les photos le pas de tir était complètement ravagé, l'un des mats anti-foudre fut balayé. Le portique avait été arraché de ses rails et des débris étaient empilés le long de la voie ferrée pour être évacués par train. Une nouvelle voie était en cours d'installation pour la construction d'un nouveau site de lancement. Sur d'autres photos le portique avait été réparé et un nouvel engin était en préparation, le nouveau pas de tir était opérationnel. Ses tours avaient été changées. Les 4 bâtiments s'enfonçant à 15 m sous terre furent complètement détruits. Les travaux de reconstruction durèrent 3 ans de 1969 à 1972.  Moins de 2 semaines après le désastre de Tioura-Tam (Baïkonour), Apollo 11 s'envolait pour sa mission lunaire. Wernher von Braun voyait son rêve se réaliser. Dans le monde entier, sauf en Chine, des millions de gens virent des Américains et non des Soviétiques marcher sur la Lune. La course à la Lune était terminée. 

http://www.astronautix.com/graphics/q/q2n1sair.jpg

Le 3e lancement a lieu depuis le second pas de tirhttp://www.russianspaceweb.com/lk_scale_2.jpg

  •      Le programme N1 continuera sur sa lancée, l'URSS ne LK (Lunniy  Korabl  véhicule d'alunissage) supportant pas de n' être que le challenger. Lors du 3e vol  le 27 juillet 1971, le lanceur emportait une maquette du LOK (Lunniy Orbital'niy Korabl - module orbital lunaire) et du LK (véhicule d'alunissage ci-contre). Le lancement a lieu depuis le second pas de tir (à droite). 7 secondes après le décollage, une rotation en roulis apparut et s'accentua jusqu'à la 51e seconde. Le système de correction éteignit les moteurs à 1 000 m d'altitude et le N1 s'écrasa 1 mn après le décollage sur le pas de tir.

NPO Energomash   http://www.russianspaceweb.com/n1_launch_2.jpg

le dernier vol  eut lieu le 23 novembre 1972 à 6h11

  •  Pour le dernier vol qui eut lieu le 23 novembre 1972 à 6h11, bien qu'étant un échec, il fut le plus satisfaisant. La propulsion du premier étage dura 107 s, jusqu'à la rupture d'une canalisation d'oxygène de 250 mm de diamètre. Un incendie s'ensuivit faisant suite à l'extinction de 6 moteurs à la 90e seconde. L'explosion fut la conclusion. L'apogée fut de 40 km. Le véhicule lunaire était composé du modèle de vol du LOK et une maquette du LK.

  Après cet échec, Moscou annonça que désormais l'accent serait mis sur des sondes planétaires et les stations orbitales. Il y avait déjà 3 ans que les astronautes américains marchaient sur la Lune. Ils y  retournèrent 6 fois (Apollo 11, Apollo 12, Apollo 14, Apollo 15, Apollo 16 et Apollo 17). Vassili P. Mishin fut limogé en 1974 et remplacé par Valentin Glouchko qui mettra un terme au programme lunaire en 1976.

 

N-1 vols historiques
Date Véhicule  charge utile

bilan

21 Fev 69 N-1 3L L-1S/LK maquette mauvais fonctionnement du premier étage à T+70 sec. Fusée détruite.
3 Juil 69 N-1 5L L-1S/LK maquette mauvais fonctionnement du premier étage avant d'avoir dépassé la tour de lancement. 
Fusée et tour de lancement détruites.  
27 Juin 71 N-1 6L rien mauvais fonctionnement du premier étage.
 Fusée détruite à 
T+51 sec.
23 Nov 72 N-1 7L LOK/LK maquette mauvais fonctionnement du premier étage.   
Fusée détruite à 
T+107 sec.

 

  1. Le module lunaire soviétique:

  Le LK (Lunniy Korabl - vaisseau lunaire) de la firme Energia était l'atterrisseur lunaire soviétique, la contrepartie russe du LM (lunar module) américain. Le  Lunniy Korabl fut conçu pour faire arriver sur la Lune un citoyen Russe avant les américains, espérant ainsi gagner la course à l'espace. Ce n'était pas pour être sur la Lune, mais parce que les vraies raisons étaient ailleurs. Parce que la charge translunaire utile de la fusée N1 n'était que de 70% de celle des américains, le LK différait sur plusieurs points du LM. Il avait un profil d'atterrissage différent, il était 1/3 plus léger, il était limité à une personne, il n'y avait pas de module d'amarrage entre les 2 modules permettant la communication (le cosmonaute devait passer par l'extérieur pour se rendre du LK vers le LEK Lunniy ekspeditionniy  Korabl). Comme le LEM (Lunar Explorer Module), le LK ne devait pas utiliser d'étages séparés pour atteindre le sol lunaire. Un étage de freinage, le Block D, devait emmener le LK en douceur, à 100 m/s, à 4 000 m au-dessus de la surface sélène. De là, le LK devait utiliser les moteurs du Block E pour atterrir en douceur. Le Block E devait aussi servir d'étage ascensionnel pour remettre le LK sur une orbite lunaire. Or, le N1, plus petit de 5 m que la Saturn V, était plus puissant pour emporter une charge plus faible !

Lunniy Orbital'niy Korabl - module orbital lunaire)
http://www.myspacemuseum.com/LOK-2.GIF

Le LK était constitué de 4 modules primaires: Voir vue en coupe:    http://www.nasm.si.edu/exhibitions/gal114/SpaceRace/sec300img/380l3f.jpg

  • Le train d'atterrissage LPU permettant le débarquement sur le sol sélène. Le LPU serait resté sur la Lune, agissant comme un PAD (plate-forme) de lancement pour le reste du LK.

  • L'étage Block E, permettant l'atterrissage en douceur du LK et le retour en orbite.

  • La cabine lunaire semi-sphérique, pressurisée, pour un cosmonaute (l'aurait-on appelé Lunatik ?)

  • Le système intégré d'orientation, un pod fait de petits moteurs pour permettre l'orientation en vol du module. Au sommet du pod, il y avait une mire hexagonal pour aider le système d'amarrage, sur le couvercle visible sur la photo.

 

 

LK avec la maquette LEK  chez Energia

  1. Projet de Korolev

    En date du 3 août 1964, une commande n° 655-268 émanant du comité central du parti communiste donnant comme objectif à l'ingénieur en chef, Korolev, de poser en douceur un homme sur la Lune et de le ramener sur Terre, avant les américains. Au début, Korolev s'était concentré sur la méthode d'un "Rendez-vous" orbital terrestre. L'ébauche de septembre 1963 prévoyait un module L3 de 200 tonnes requerrant, pour un atterrissage direct, le lancement de 3 fusées géantes N1 nécessaires à un assemblage en orbite terrestre basse. Le module lunaire L3 aurait fait un atterrissage de précision en aveugle, téléguidé par la balise d'un rover lunaire robotisé L2, déjà parqué sur un terrain relativement plat. Un étage d'injection sur une orbite translunaire, de 138 tonnes, aurait propulsé L3 vers la Lune. Les rétrofusées auraient été allumées entre 200 et 300 km de la surface lunaire. A la fin de la combustion, il se serait séparé au-dessus de la surface, permettant à l'étage de descente et d'atterrissage de 21 tonnes, de se poser, avec des moteurs à poussée variable, sur la surface sélène. Les pattes, ayant servi à l'atterrissage en douceur ainsi que le moteur, seraient restés sur la Lune. Un étage ascensionnel aurait propulsé le Soyouz L1 de 5 tonnes, pour le retour vers la Terre. Cela aurait permis à un équipage de 3 personnes d'explorer la Lune pendant 10 jours. Nous voyons ci-dessous, une des séquences d'atterrissage étudiées, avec l'éventualité d'un avortement de la séquence à la dernière minute.

SPACEFLIGHT, Vol. 38, 1996

   Le programme d'un soviétique se posant sur la Lune, tel celui développé par l'ingénieur général Acad S.P. Korolev, ne fut pas tout à fait ce qui avait été précédemment présenté officiellement. Une série d'entrevues menaient lors du salon du Bourget en juin 1991, avec Vassili P. Mishin, ingénieur en chef à l'heure du programme lunaire soviétique ont révélé des réponses sur de nombreuses questions incluant le programme lunaire.

    Korolev présenta une directive à ses ingénieurs en chef au début de 1965, bien avant sa mort en 1966, finalisant le programme en cours de développement et le baptisant de N1L3. Le nombre de dirigeants technocrates, qui ont interféré dans le profil du programme, est inconnu, excepté que L. Brejnev, le premier secrétaire du PC soviétique, ordonna que, dès qu'un lanceur N1L3 aurait effectué un vol inhabité, Mishin piloterait le premier vol habité.

    Avant de débuter les vols pilotés, il avait été envisagé d'effectuer, vers la Lune, au minimum 2 vols inhabités Proton-Luna et 2 lancements de N1L3. Le premier vol aurait été inhabité et le second, habité. Ceci avait été fait pour des raisons de sûreté au cas où le module lunaire équipé (LK), lancé au second vol, n'aurait pas décollé de la surface lunaire.

   Les 2 Proton-Luna auraient été expédiés pour téléguider le module L3,  à son arrivée directe de la Terre, lors de sa phase d'atterrissage. Les Soviétiques considéraient le module lunaire américain comme une solution très risquée, c'est pour cela qu'ils préféraient donné 2 chances à leur cosmonaute. Un simple cosmonaute pouvait faire une excursion lunaire à pied pour rejoindre le Lunakhod qui aurait atterri avant le vol habité et se servir du module pour revenir en orbite lunaire.

     La configuration ne changea plus dès le début de 1966 jusqu'au début des années 70. Pour citer le cosmonautes A. Leonov: "Cela nécessitait de nombreux Rendez-vous". Si l'un venait à échouer, cela compromettait la mission. Ci-dessous, la séquence de vol de la N1L3 retenue.

la séquence de vol, de la N1L3, retenue.

http://www.fas.org/irp/imint/96vol38_vick.htm

 

  1. Raison et conséquences des échecs

  Le programme N1L3, resté secret pendant de nombreuses années, suscita pendant des années des questions quant à son échec. La gestion scientifique et technologique, tout particulièrement au niveau politique et ministériel n'a pas fonctionné. Pour Mishin une sous-estimation du défi de Kennedy fut une erreur, car l'URSS ne disposait pas des moyens pour atteindre le but. Puis il ajouta que les rivalités entre lui-même et les 2 autres constructeurs (Tchélomeï et Glouchko) qui avaient les faveurs de Khrouchtchev et Brejnev, les hésitations devant la définition des étapes, les dispersions budgétaires avec des projets concurrents et enfin la suppression d'essais en vol pour gagner du temps, furent les raisons principales de l'échec du projet lunaire. Dans un article du Sovietskaya Rossia du 12 avril 1989, G.N. Pachkov, qui travailla avec Korolev lors du lancement de Spoutnik 1, expliqua des causes similaires (3).

  1. Coopération

  Les dirigeants américains et soviétiques entamèrent alors une phase de détente et une mission commune soviéto-américaine contribuera à apaiser le climat. Brejnev et Nixon signèrent un accord sur un vol commun "Apollo/Soyouz" qui eut lieu le 15 juillet 1975 avec la capsule d'Apollo 18 et le Soyouz dessiné par Korolev. C'était le début d'une longue coopération spatiale.

  Depuis, l'exploration spatiale est devenue une coopération internationale et les acteurs du secteur privé furent des investisseurs qui participèrent de plus en plus. La mainmise gouvernementale et le secret ne freinèrent plus le partage des connaissances technologiques. Ainsi les rendez-vous et les méthodes d'arrimage utilisées lors des missions soviéto-américaine de la fin du XXe siècle, furent-elles, en leur temps, mises au point dans le cadre du programme lunaire soviétique. 

     Cette idée de laisser aux scientifiques le soin de gérer les affaires scientifiques n'est pas le seul héritage du programme N1L3. Fort heureusement, le moteur d'un haut niveau technologique, a pu être sauvé lors de la prise de décision de mettre le N1 au rebut. Les moteurs furent stockés chez N.D. Kouznetsov  une Joint Stock Company Scientific-Technical Complex à Samara, Russie. Aujourd'hui la maquette d'un moteur dérivé NK- 33.1 à tuyère déployable est visible.....aux USA !

L' AJ26NK33 est un moteur à oxygène liquide / kérosène, dérivé du NK 33    Qui aurait pu imaginé dans les années 60, que les anciens adversaires se réjouiraient ensemble d'un produit mis au point  par les soviétiques au plus fort de la Guerre Froide, pour atteindre la Lune. Et pourtant c'est grâce à la coopération russo-américaine que le AJ26NK33 (image de gauche) la version améliorée parle lanceur à 2 étages réutilisables Kistler Aérojet, du vieux moteur fusée du N1, c'est avéré le moteur le plus fiable jamais conçu. Ce moteur à oxygène liquide / kérosène, dérivé du NK 33 est destiné au premier étage des futures fusées Aurora et Onega de RKK Energya. Dans cette version, la poussée au sol est passée de 154 t à 195 t et à 223 t dans le vide au lieu de 171 t. L'impulsion spécifique est de 350,6 s dans le vide. Le moteur est qualifié pour 5 réallumages successifs. La poussée peut être régulée entre 40 % et 100 %. Le ratio d'expansion de la tuyère déployable passe de 27,6 à 79,5 (4). Une utilisation est envisagée sur le lanceur à 2 étages réutilisables Kistler (image de droite) pour des vols commerciaux.  Le premier étage de la N1 comprenait 30 moteurs NK 15, le 2e étage 8 x NK 15 qui ont donné naissance au NK 33 d'aujourd'hui.

 http://www.aerojet.com/program/photos/aj265859-3.jpg

  1. NK 33

  Après avoir été corrigés des défauts initiaux, les moteurs du N1 furent développés pour obtenir de nombreux allumages et un accroissement de la durée de vie. Le moteur N33 est devenu le NK-33 en production série chez Kuznetsov à Samara en Russie. Le NK - 33 fut testé à une poussée supérieure de 204 tonnes avec une variation de 20% et une durée totale d'allumage de 1200 sec. Sa désignation gouvernementale fut 11D111. Son concepteur, le développa de 1970 -1974. Il fut mis en application sur le premier étage du N-1F (block A). Utilisé sur le premier étage du Kistler et du  N1F Block A. Puis sera utilisé sur le lanceur Kistler et le fut sur les anciens N1F, N1F Sr, N1F-L3M. Le carburant est de l'oxygène liquide et kérosène. Dans le vide, la poussée est de 1 638 kN et l'impulsion spécifique de 331 s. Sa durée de fonctionnement est de 600 secondes. Il possède une chambre. Ses caractéristiques mécaniques sont les suivantes:

  • masse: 1 222 kg

  • diamètre: 1,5 m

  • longueur: 3,71 m

  • pression dans la chambre: 145,70 bars.

  • rapport de surface: 27

 

  1. Le lanceur réutilisable Kistler

  Kistler Aerospace Corporation, petite société privée de moins de 50 personnes,  a développé un lanceur entièrement réutilisable, K - 1, conçu pour mettre sur orbite des charges utiles et fournir une alternative peu onéreuse aux lanceurs ordinaires. Kistler Aerospace Corporation a l'intention que le K-1 devienne le lanceur à bas coûts digne de confiance pour des lancements commerciaux et  militaires  soit en orbite basse (LION), soit en orbite moyenne (MEO), soit en orbite géostationnaire (GEO) et aussi bien pour rejoindre la station spatiale internationale (ISS). Une centaine d'utilisation est envisagée. 

retour sur le site de lancement à l'aide de parachute et d'airbags.  Le K-1 est lancé comme toutes les fusées consommables. Cependant, à une altitude de 41 kilomètres, le moteur central du 1er étage est ré-allumé pendant 35 secondes afin de retourner sur le site de lancement à l'aide de parachute et d'airbags. Le second étage s'est allumé et continue son vol vers l'orbite de travail en utilisant un seul moteur NK - 43.

   Après le déploiement de la charge utile, le système de manoeuvre orbital (OMS) fonctionnant à l'oxygène liquide et éthanol est ré-allumé afin que le 2ème étage retourne vers le site de lancement à l'aide de parachute et d'airbags (comme le premier étage). http://www.abc.net.au/science/news/img/space/k1rocketret150304.jpg (Image: Kistler Aerospace)

   Des essais en vol et des vols commerciaux seront menés depuis le site australien de Woomera par Kistler Woomera, filiale australienne de Kistler Aerospace Corporation. Un second site commercial est prévu au Nevada, USA. La société dispose de bureaux à Kirkland, Washington et l'exécutif se trouve à Los Angeles, Californie.

  Aujourd'hui en attente d'un accord avec la NASA.

  1. Caractéristiques du Kistler

Longueur totale: 36,90 m
Diamètre: 6,70 m
Envergure: 6,70 m
Masse au décollage: 382,3 tonnes
masse à sec: 20,5 tonnes

1er étage: 250,00 tonnes
2ème étage: 131,80 tonnes
Nombre des moteurs 1er étage: 3 
Aerojet - AJ26-58/-59  (NK-33)
Poussée dans le vide 514,9 tonnes
Impulsion spécifique: 331 sec
Durée de combustion: 139 sec
Propulsion: oxygène liquide - kérosène
Nombre des moteurs 2ème étage: 1 
Aerojet/ AJ26-60 (NK-43)
Moteur développés en 1997 aux USA

Charge payante: 2 600 Kg à 52 degrés et sur une orbite de 800 km.

  1. Ironie de l'Histoire

  Korolev désirait ardemment battre les américains tant sur le plan des satellites, que sur celui du 1er homme dans l'espace, de la 1ère sortie extravéhiculaire, des premières missions planétaires, mais il a échoué en essayant de battre les Américains pour la course à la Lune. Aujourd'hui, ils coopèrent aussi sur l'ISS. Or, c'est une agence russe, un bureau d'études russe qui en est la clé de voûte: l'OKB1, celui de Korolev . 

1ère partie

_____________

Smithsonian National Air and Space Museum Homepage:    http://www.nasm.si.edu/

Goddard:  http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/SP-4406/chap1.html

Korolev: http://www.russianspaceweb.com/korolev.html
               http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/sputnik/korolev.html

Spoutnik 2: http://www.spacenews.be/images/Spout2.jpg
                  http://www.nytimes.com/partners/aol/special/sputnik/sput-17.html
                  http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/sputnik/harford.html

Laïka: http://starchild.gsfc.nasa.gov/Images/StarChild/space_level2/laika_mockup.gif
          http://www.consumptive.org/weblog/laika.jpg
          http://www.space.com/news/laika_anniversary_991103.html

N1: http://www.luebeck.com/~lux/ra_lx/n1l/spn1.htm
      http://www.luebeck.com/~lux/ra_lx/n1l/n1l3.htm
      http://www.astronautix.com/lvs/n1.htm
      http://www.myspacemuseum.com/n1.htm
      http://www.russianspaceweb.com/n1.html
      http://www.russianspaceweb.com/lk.html

image courtesy Mark Wade: http://www.astronautix.com/
 http://solar.rtd.utk.edu/~mwade/spaceflt.htm

Aérojet: http://www.aerojet.com/default.cfm
http://www.aerojet.com/program/framecontent.pl?url=news/nr_NK33_1095_19.html&program_ID=13
             http://www.aerojet.com/program/photos/aj265859-3.jpg

kistler:     http://www.ceebd.co.uk/ceebd/ndkstc.htm
             http://www.abc.net.au/science/news/stories/s1066155.htm

All of the LK photographs in this section were graciously donated by Mr. Brett Harrison.  If you enjoy the photos, please email him and tell him "Thanks!".

"Sergei P. Korolev," fiche biographique, NASA Historical Reference Collection, NASA History Office, NASA Headquarters, Washington, DC.

B. Hendrickx, "Soviet Lunar Dream that Faded", Spaceflight, 37, No. 4, April 1995, pp.135-137.

The Mishin Mission by Charles P. Vick. For Part 1 see JBIS, 47, 9, September 1994, p.357 and for Part 2 see Spaceflight January 1996, p.28.


Source: James J. Harford, "Korolev's Triple Play: Sputniks 1, 2, and 3," adapted from James J. Harford, Korolev: How One Man Masterminded the Soviet Drive to Beat America to the Moon (John Wiley: New York, 1997).
 

Interview de Ch. Vick:
Pourquoi les Soviets ne pouvaient pas battre les américains
http://www.fas.org/spp/eprint/cp_vick_interview.htm

(1)Baïkonour - la porte des étoiles - p 21  SEP- Armand Colin
(2)Baïkonour - la porte des étoiles - p 204  SEP- Armand Colin
(3)Baïkonour - la porte des étoiles - p 205  SEP- Armand Colin
(4) Air & Cosmos  N°1933 p33

Data sheets NPO Trud.

Day, Dwayne A (Editor), et. al., Eye in the Sky : The Story of the Corona Spy Satellites, Smithsonian Institution Press, 1998.

 

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